Il était une fois, des experts du recrutement et leurs nouveaux assistants. Dans un monde essoufflé par les tâches chronophages, lesdits assistants accomplissent leurs missions à la perfection et en un temps record : sourcing, identification des meilleurs profils, planification des entretiens … Tout y est. Fun fact ? Ces bons élèves ne sont pas humains. Ni plus ni moins, les enfants de l’intelligence artificielle (IA). Une vision futuriste du recrutement qui peut sembler effrayante pour certains, craignant que l’IA ne remplace les principaux protagonistes, en chair et en os. Mais, est-ce vraiment le cas ?
Définie comme "la science et l'ingénierie de la fabrication de machines intelligentes, en particulier de programmes informatiques intelligents", l'IA se concentre sur la compréhension de l'intelligence humaine (on parlera de Machine Learning). L’objectif ? Développer des technologies capables de résoudre des problèmes ou situations complexes, notamment dans le cadre professionnel.
Concrètement, et en ce qui concerne le domaine du recrutement, de nombreux outils sont capables de scanner des milliers de profils en ligne pour dénicher des candidats correspondant aux exigences d'un poste (ajoutons à cela les algorithmes de matching).
L’IA peut également s’avérer très utile pour alimenter un talent pipeline (ou vivier de talents) suffisamment dense. Cependant, elle ne peut remplacer la présélection et l'évaluation des candidats par les recruteurs … Encore moins se charger d’un entretien ou d'un process de recrutement axé sur la raison et le discernement.
À l’heure actuelle, il existe 3 modèles d’analyse et d’IA à dimension :
En matière de recrutement, on peut considérer que l’IA se trouve encore dans une phase descriptive, même si le feeling prédictif commence doucement à émerger.
Les experts tirent la sonnette d’alarme face aux risques de « favoritisme » et de négligence que présentent les outils d’IA, par rapport au ciblage des candidats. Il faut donc faire preuve de prudence, pour éviter l’émergence de certains biais cognitifs contre-productifs dans les processus de recrutement.
Les technologies d'intelligence artificielle (IA) utilisées par les entreprises pour la sélection des candidats peuvent potentiellement masquer les talents atypiques. En effet, les candidats peuvent être évalués sur la base de critères bien trop « étriqués » / à la limite du superflu. Par conséquent, certains profils peuvent être évincés, alors que d’autres seront jugés plus adéquats pour tel ou tel type de poste.
Aujourd’hui, une grande majorité de chercheurs exhorte donc les employeurs à remanier les descriptions de poste et à reconfigurer leurs outils d’IA : il s’agit d’inclure les compétences et les expériences répondant aux exigences du poste, plutôt qu'exclure les candidats en fonction d'autres critères. D’autres leur suggèrent de se pencher sur la compréhension du logiciel d’IA en tant que tel, à savoir : qui est à l’origine du logiciel ? Qui est le fournisseur ? À partir de quel type de données l’IA a-t-elle été formée ?
Enfin certains paramètres (comme la fonction de balayage des mots-clés) sont pointés du doigt : les mots-clés sélectionnés dans le cadre du « scan » (ou filtrage) des CV sont pensés, réfléchis et choisis par les dirigeants d’entreprises pourvoyeurs du poste. Grosso modo, l’IA n’est ni fautive ni responsable de la lenteur / lourdeur de certains processus de recrutement, dans le sens où son raisonnement automatisé a été conçu par un cerveau … Tout ce qu’il y a de plus humain.
Bon à savoir : selon une étude menée auprès de 2 250 cadres aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, plus de 90 % des entreprises sont dotées d’une application logicielle telle que l'ATS, mais ne l’exploitent pas de manière adéquate. On peut donc s’interroger quant à la maîtrise encadrée et éprouvée d’outils tels que l’IA.
L'utilisation de données objectives pour surmonter les biais cognitifs « perturbateurs » est devenue un enjeu crucial. De fait, l'IA est considérée comme impartiale à partir du moment où elle est alimentée par ce genre de données. Pour autant, certains biais cognitifs peuvent s’y glisser : ceux des recruteurs les ayant collectées et classées.
N’oublions pas le cas Amazon et l’abandon de son outil d'IA en 2018, en raison d'un biais de recrutement qui touchait principalement la gent féminine. Pour l’anecdote, le système avait été formé à partir des CV de candidats précédents, qui étaient majoritairement des hommes. L’IA a donc appris à écarter les individus de sexe opposé.
En outre, si l’IA se base uniquement sur des données plus anciennes, relatives au profil précédemment retenu, les entreprises courent un risque : celui de fermer la porte à des candidats qui ne correspondent pas au modèle de réussite érigé par l’IA, alors qu’ils collent parfaitement aux attentes et à la fiche de poste de l’employeur.
Dans les coulisses de l’IA, un manque de talents diversifiés
Pour les recruteurs, la diversité est un facteur-clé dans la conception d’un outil / logiciel, qui soit fondé sur l’IA. Néanmoins, seuls 22% des professionnels à l'échelle mondiale dotés d'une expertise en IA sont des femmes, selon le Forum économique mondial. Il s’agit donc d’un défi supplémentaire à relever.
D’après IBM, 42% des entreprises dans le monde utilisent l’IA pour améliorer leur processus d'embauche. Toutefois, l’intelligence artificielle laisse entrevoir certaines failles et soulève plusieurs questions, telles que l’approche personnalisée des candidats.
Selon Pierre Rovira, Senior IT Recruiter chez La Relève, « la principale menace aujourd’hui, dans le recrutement, c’est de vouloir scorer les profils et ça ne va plus du tout laisser la place aux profils en reconversion, aux profils dotés d’une personnalité parfaitement alignée avec les besoins du client (…) C’est la raison pour laquelle l’IA ne peut pas nous remplacer à 100% sur nos métiers. »
D’autre part, les recruteurs ne sont pas uniquement dédiés à l’identification, l’audit et la proposition d’un profil candidat. Ils se chargent également de défendre ce profil et convaincre leur interlocuteur de rencontrer le candidat. Puis vient l’étape-clé de la contractualisation du candidat, lors de laquelle le rôle du recruteur est prépondérant.
Pierre ajoute que chez La Relève, l’IA est modérément utilisée pour « du copywriting, de la relance, mais en soi c’est assez limité (…) Faire entièrement confiance à l’IA est périlleux : il y a une marge d’erreur et des incohérences trop importantes. S’il y a erreur sur le profil, ça décrédibilise le recruteur et le lien de confiance avec le candidat risque de se déliter rapidement ».
Pour Sara Bueno, Tech Recruiter chez La Relève, « nous sommes des humains, notre travail s’inscrit dans une optique purement humaine, donc c’est sûr qu’il y aura toujours une part de subjectivité importante (…) Mais, même avec une armada d’outils technologiques à notre disposition, on continuera d’occuper une place centrale dans le processus de recrutement. »
Benoit D’eurveilher, Tech Talent Acquisition Specialist chez La Relève, nous explique quant à lui que « l’IA axe son apprentissage sur les informations qui lui sont fournies. Malheureusement, elle intègre les erreurs humaines et apprend à biaiser son jugement, en se basant sur des informations erronées ou des pratiques qui ne sont pas les bonnes. Si nous n’imposons pas à l’IA des règles éthiques, elle ne sera pas fiable et ça ne fonctionnera pas.».
En définitive, même si l’IA permet d’optimiser et d’accélérer certains processus, elle est un outil complémentaire à l’activité anthropique du recrutement et ne peut être pensée comme sa future remplaçante. En fin de compte, la « human touch » est l’ingrédient ultime, qui contribue à faire du recrutement un processus qualitatif, concluant et déterminant dans le devenir des candidats.
Chez La Relève, nous avons à coeur de vous aider dans tous vos processus de recrutements. Alors si vous êtes à la recherche de la perle rare, n'hésitez pas à nous écrire un petit mail pour en discuter.